Du programme d’Éthique et culture religieuse à celui de Culture et citoyenneté québécoise – Bilan des critiques et perspectives d’avenir


RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE

L’enseignement du religieux pose un problème potentiel relatif à la liberté de conscience et de religion. En 2012, l’affaire Commission scolaire Des Chênes a confirmé la compatibilité entre le cours ECR et cette liberté, mais ce du point de vue de parents religieux et à la lumière d’une présentation théorique de ce cours, et non de sa réalité concrète, en raison d’une preuve déficiente. De l’avis de plusieurs experts en droit, cette affaire n’a donc pas répondu à toutes les questions juridiques posées par ce cours et depuis, les critiques formulées à partir d’autres points de vue se sont multipliées. Le Conseil du statut de la Femme a rendu un avis très sévère au sujet de son approche non critique à l’égard des religions, car plusieurs religions sont traditionnellement hostiles à l’égalité des sexes. Des penseurs laïques l’ont critiqué en raison du respect absolu des positions religieuses qu’il prône et du peu de place qu’il accorde aux visions du monde non-religieuses. Une étude a vu dans ce cours une volonté de promouvoir le multiculturalisme et de décourager les critiques envers les religions. Un avis du Conseil supérieur de l’Éducation souligne que le cours ECR peut pousser les élèves à se conformer pour bien paraître et freiner leur participation de peur d’être jugés. Ce bilan des critiques confirme l’importance de remplacer le cours ECR. Est-ce que le cours CCQ appelé à le remplacer tient compte de ces critiques? Oui en grande partie, car il prône davantage le développement de la pensée critique, notamment à l’égard des religions, et accorde une moins grande place aux pensées religieuses et une plus grande aux pensées non-religieuses. Par contre, le programme du cours CCQ ne propose pas explicitement une approche alternative à celle du multiculturalisme, alors qu’il aurait intérêt à expliciter une telle approche en mentionnant la convergence culturelle. La culture québécoise devrait avoir un statut particulier dans ce cours CCQ et c’est pourquoi son titre devrait être modifié pour passer de « Culture et citoyenneté québécoise » à « Culture et citoyenneté québécoises » avec un « s », afin de bien indiquer que c’est la culture québécoise qui est au centre du programme. La place trop limitée qu’accorde le programme à la laïcité est aussi problématique. La laïcité devrait faire partie des concepts prescrits par le programme CCQ, car c’est là un élément essentiel d’éducation à la citoyenneté. Par ailleurs, les notions présentes dans le thème « Groupes sociaux et rapports de pouvoir » doivent être abordées en disant explicitement qu’elles soulèvent des enjeux éthiques et qu’il y a plusieurs manières de les aborder. Enfin, autant la présence d’un objectif de développement de la pensée critique à l’égard des religions est bénéfique sur le plan pédagogique, autant elle peut être problématique sur le plan juridique en heurtant la liberté de religion de croyants (comme son absence peut être problématique en heurtant la liberté de conscience des non-croyants). C’est pourquoi le gouvernement doit se préparer à une possible contestation judiciaire.


PAR : FRANÇOIS COTÉ
Détenteur d’un baccalauréat en droit et de trois maîtrises, en common law, en droit international et en biotechnologie moléculaire, François Coté est aussi avocat, chargé de cours et doctorant en droit, spécialiste en théorie du droit québécois, droit civil et libertés fondamentales.

ET PAR : DAVID SANTAROSSA
Détenteur d’un baccalauréat en philosophie et de deux maîtrises, l’une en philosophie et l’autre en enseignement de l’ECR, David Santarossa enseigne depuis plusieurs années le cours ECR au secondaire. Il est collaborateur au journal La Presse et à Qub Radio.

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